Dans son livre, Le déclin français est-il réversible, Jacques de Larosière ancien président de la Banque de France pose les questions qui fâchent, sans langue de bois, contrairement à de nombreux journalistes ou politiciens français…
Dans sa préface il indique tout d’abord les racines du problème. La politique de l’autruche des Français et de leurs politiciens : « il est frappant de constater l’écart qui sépare la sérénité relative de l’opinion publique de la gravité de la situation actuelle ». La cause ? « Les vrais problèmes sont rarement posés avec précision… et les médias se réfugient dans une position de consensus mou...Le phénomène est si marqué que nous ne sommes pas loin de frôler la propagande ». Il est vrai que rares sont les journaux comme nous à avoir parlé dès 2015 des problèmes de désindustrialisation et de vente des fleurons français (lire https://www.businesstravel.fr/la-france-peine-a-l-export.html). Jacques de Larosière explique dans son livre les causes du déclin français comme une gestion lamentable des comptes publiques et de la dette, une baisse flagrante du niveau d’éducation ou la désindustrialisation criante du pays.
La désindustrialisation pose bien plus de problèmes que prévu
C’est une cause massive de nos problèmes aujourd’hui. Ainsi entre 1974 et 2018 l’emploi industriel a diminué de 2,5 millions de personnes et l’industrie ne contribue plus qu’à 10 % du PIB soit une baisse de 5,2 points entre 1995 et 2023 pendant que la baisse n’atteignait que 1,9 point en Allemagne. Il note que nos industrie traditionnelles comme la métallurgie, les biens d’équipements ou les outillages ont été laminés de même que l’automobile. On pourrait citer également les télécommunications où la libéralisation du marché a littéralement tué nos meilleurs équipementiers.
Dans la santé également la chute est sévère. « La France était le premier producteur de médicaments en Europe de 1995 à 2008 et n’est plus qu’au 4ème rang depuis 2016 ».
Il note d’ailleurs que nos groupes pharmaceutiques ont pris avec retard le virage des biotechnologies, un secteur clé aujourd’hui pour la découverte de nouvelles molécules et où règnent les laboratoires américains, suisses et asiatiques.
Les 2,5 millions de pertes d’emploi dans l’industrie ont eu un rôle très important dans notre déclin : certains ont été au chômage d’autre en pré-retraite accroissant fortement le déficit des retraites et d’autres ont été employés dans les services ou dans l’administration. Au final la perte pour les finances publiques a été massive.
La France : une usine à créer des postes de fonctionnaires
Pendant que l’industrie se meurt la France créée des postes de fonctionnaires à la pelle. « Nous tenons le record mondial de la dépense publique...60 % de notre PIB alors que la moyenne européenne approche 50 %...L’administration n’a cessé de s’accroître pour et les personnels ont augmenté plus vite que la population active pour atteindre des effectifs hors mesure avec les comparaisons internationales...La France comptait 5,67 millions d’agents en 2021 soit 1 emploi sur 5 contre 4,6 millions en Allemagne » note-t-il. Alors que Macron s’était engagé à réduire les effectifs de la fonction publique de 120000 personnes ils ont augmenté de 198000 agents. Et cela a un coût énorme pour le pays : 357 millions de rémunérations publiques en 2024 contre 291 milliards en 2017 soit 12 % du PIB contre 8,6 % en Allemagne. Selon lui il faudrait donc ne pas remplacer tous les départs à la retraite sauf pour certains postes importants du réel (infirmières, soignants, enseignants des classes primaires secondaires) ce qui permettrait de réduire nos coûts de 3 points de PIB.
Il se pose également le problème épineux de la retraite des fonctionnaires et des agents publics fortement déficitaire et qui représente le plus gros du déficit des retraites. Personne n’en parle sauf certains instituts comme l’IFRAP. Est-il normal que la retraite soit calculée sur les 6 derniers mois ce qui est bien plus avantageux que dans la privé, sans justification alors que les salaires moyens dans le public sont aujourd’hui plus importants que dans le privé ?
Il estime ainsi qu’il y a 71 milliards de déficit des retraites non financés par les cotisations et les impôts mais par de la dette et des déficits publics dont une grande partie pour le régime de retraite de la fonction publique.
Des réformes souvent mal conçues
Il parle aussi à juste titre des fausses réformes comme la suppression de la taxe d’habitation (« on finance le cadeau taxe d’habitation en accroissant le déficit général ») ou la fausse réforme l’apprentissage. Alors qu’en Allemagne l’idée est de former des jeunes à des métiers, en France cela a été détourné. On a augmenté le nombre d’apprentis en ouvrant les contrats d’apprentissage jusqu’à 29 ans. « Au lieu d’accueillir des jeunes de 16 ans en alternance, il est un moyen commode pour les étudiants de trouver un emploi payer par l’État pendant qu’ils poursuivent leurs études supérieures ». Tout le contraire du but recherché. Mais cela pointe un problème plus large : il n’y a pas assez de PME dynamiques en France et l’on forme bien trop de BAC+4 sans prendre en considération les besoins de l’économie ou la compétitivité mondiale. Cette masse de BAC+4/5 ira nourrir les emplois administratifs créés par de la dette.
Une autre fausse réforme est celle du nucléaire dont nous avons critiqué bien avant tout le monde l’arrêt programmé sous Hollande dès 2020 (https://www.businesstravel.fr/l-eolien-et-le-solaire-plus-leur-mix-augmente-plus-les-centrales-a-gaz-produisent.html) sous l’influence allemande. « Des mesures autopénalisantes, arbitraires et marquées par la légereté et une absence de vue à long-terme » assure-t-il.
En bref, les problèmes sont avant tout français et multiples : baisse du niveau éducatif, réformes inutiles, désindustrialisation et baisse de compétitivité, déliquescence politique, poids trop important de la fonction publique et des retraites…
Il faut prendre plus en compte nos intérêts au sein de l'UE
Mais Jacques de Larosière estime aussi qu’il faut repenser l’Europe. « Elle a été incapable de concevoir une politique d’immigration cohérente, elle n’a pas réussi à suivre les Etats-Unis dans leur croissance avec une revenu moyen européen inférieur de moitié » estime—til. Il explique également que la France ne peut être leader d’un espace européen si elle ne respecte pas le Pacte de stabilité et ses exigences budgétaires.
En bref en Europe comme en France il manque du bon sens et l’on est dans le déni. Il en est de même pour l’idée européenne : « au lieu d’utiliser l’Europe de manière pragmatique pour faire avancer les intérêts nationaux on a voulu faire de l’Union européenne une fin en soi ». A ce titre il critique l’endettement européen qui au final est un endettement des pays membres et qui fait porter sur les pays bien gérés la dette des pays mal gérés comme la France.
Au final ce livre serait à lire par tous les Français et pose les vrais problèmes : celui d’un dégradation très nette de la gestion économique du pays par les politiques depuis 1980 avec pour corollaire un appauvrissement généralisé non visible aujourd’hui par les Français car financé par la dette. Oui mais pour combien de temps ? Si rien n’est fait le déclassement sera terrible.
Informations pratiques :
Le déclin français est-il réversible ?
Editions Odile Jacob, 17,90 euros.
