Dans son dernier livre Henri Wallard ancien haut fonctionnaire relate les erreurs stratégiques des politiques français dans le domaine de l’énergie et plus particulièrement du nucléaire…
N’est pas De Gaulle qui veut. Ainsi pourrait-on résumer rapidement le livre d’Henri Wallard. Alors que le Général de Gaulle avait su positionner la France sur les meilleures technologies en s’entourant d’ingénieurs et de stratège, la France erre sans vrai leader depuis les années 80.
Le secteur de l’énergie est particulièrement révélateur du manque de vision des derniers présidents français. Il faut dire que ceux-ci n’ont pas su bien s’entourer également.
Les fonctionnaires qui croient tout comprendre en lisant des rapports seraient surtout des bachoteurs.
« La capacité de digérer à toute vitesse dossier après dossier amène à développer chez certaines fonctionnaires le sentiment d’avoir la science infuse…L’État a été au fil du temps de plus en plus dominé par une frange de hauts fonctionnaires qui pensent pouvoir tout comprendre rapidement sans avoir besoin de s’entourer de véritables organisations pour les conseiller » note-t-il.
Il y a sans doute aussi un simple problème de capacité de réflexion ou de bases scientifiques.
Ainsi en tant que journaliste non spécialiste du nucléaire nous avons expliqué à maintes reprises à nos lecteurs le désintérêt des énergies intermittentes dans un réseau français basé sur des énergies pilotables et renouvelables avec le nucléaire et l’hydraulique avec le support de centrales à gaz en période de pic hivernal.
Rajouter des énergies intermittentes ne fait que renchérir les coûts pour l’utilisateur final. Mais peu l’ont compris ou alors certains en profitent pour gagner de l’argent avec des projets éoliens ou solaire, sans intérêt réel pour les Français.
Les politiques ont sciemment détruit le nucléaire français avant de le remettre en vogue en lui imposant des boulets
La première partie du livre, un État sans boussole, est une compilation du suicide français orchestré par ses « élites » dans le domaine du nucléaire.
Emmanuel Macron a fini par reconnaître ses erreurs dans le domaine du nucléaire avec le discours de Belfort, mais bien tard alors qu’il a pourtant avalisé en tant que Ministre de l'Economie sous la présidence Hollande la fermeture de Fessenheim.
Mais toujours la reprise du nucléaire est ambigüe avec la fameuse stratégie du « en même temps ». Le nucléaire a été relancé, oui mais il sera beaucoup plus cher et lesté des investissements faramineux dans l’éolien et le solaire sans intérêt pour notre réseau. L'idée étant de réduire notre atout : une électricité peu chère et décarbonée.
La discours de Belfort a cependant été un tournant alors que la première ministre d’alors, pourtant ingénieure de formation, poussait vers un mix énergétique composé exclusivement d’énergies vertes.
« Elle ira jusqu’à affirmer qu’en réduisant la part du nucléaire et en augmentant la part des renouvelables, le système électrique français serait plus résilient...Cette affirmation hautement contestable est choquante...Les difficultés de maintien de la stabilité d’un réseau électrique quand la part des énergies renouvelables est prédominante sont pourtant largement connus » explique-t-il.
Le récent exemple du « black out » total du réseau espagnol en est la preuve concrète.
Mais même lorsque l’on est ingénieur, l’idéologie prime en France.
Des réacteurs plus chers et qui ont un taux de charge ridiculement bas par rapport aux Etats-Unis: des réacteurs de loosers
Hormis la relance du nucléaire finalement actée, le choix de la technologie aurait pu également être remis en question.
Selon le rapporteur d’une commission d’enquête au Sénat il aurait mieux valu repartir du design des réacteurs actuels N4 plutôt que de s’engager dans un programme tellement modifié entre l’EPR de Flamanville et l’EPR2 annoncé à Belfort.
On évoque un programme de 100 milliards d’euros alors que les 11 nouveaux réacteurs chinois devraient coûter seulement 27,9 milliards, quelle gabegie !
Rappelons de plus à cause des énergies intermittentes le facteur de charge du nucléaire français est ridiculement bas soit 67 % en 2024 contre 90 % aux Etats-Unis les réacteurs français utilisant pourtant une technologie d’origine américaine. Où est le problème chez EDF ?
Les écologistes ont fermé des réacteurs RNR qui permettaient de réutiliser les déchets : ils ont joué contre la planète
Le livre a aussi l’immense mérite de remettre à leur place les écologistes. Le programme nucléaire français des années 50 avait prévu de développer à terme les réacteurs à neutrons rapides (RNR). En effet, ceux-ci sont capables de consommer les déchets à vie longue générés par les réacteurs classiques.
Ce qui est bon pour la planète. Mais une ministre écologiste, Dominique Voynet sous le gouvernement de Lionel Jospin a décidé d’arrêter le surgénérateur Superphénix dès 1997 alors que la France était très en avance dans ce domaine.
« L’arrêt de ce surgénérateur était un objectif majeur pour les Verts ». Un sabotage qui est du plus mauvais augure pour la planète sans aucune vision scientifique.
Ces surgénérateurs ont de plus eu le mérite de produire plus de matière fissile qu’ils n’en consomment, ce qui permet de sécuriser l’approvisionnement de la filière.
En bref, pour comprendre en détail les absurdités des choix français des derniers présidents (et ce qui peut s'apparenter à une non prise en compte des intérêts français), nous recommandons à tous nos lecteurs de lire le livre d’Henri Wallard.
Rappelons que la reprise du nucléaire en France souffre de nombreux maux qui vont renchérir le coût de l’électricité : investissement parallèle dans les renouvelables sans intérêt, développement d’une nouvelle génération de réacteurs aux coûts faramineux au regard des coûts internationaux, faible taux d’utilisation des centrales nucléaires, investissements énormes en cœur de réseau pour supporter les multiples éoliennes et panneaux solaires. Le scandale est toujours là mais moins visible. Face au changement de l’opinion, Emmanuel Macron a dû relancer le nucléaire tout en lui imposant des poids qui réduisent fortement sa compétitivité…Le fondateur de RTE André Merlin a ainsi indiqué que les 6 prochains parcs éoliens en mer vendront leur électricité à près de 10 fois le prix actuel du marché. Une folie qui mine de plus nos plus belles côtes.
❗️Sur @Thinker_View, le fondateur de RTE, André Merlin, révèle une bombe économique !
— Eddy Casterman (@EddyCasterman) June 4, 2025
Les 6 prochains parcs éoliens en mer vendront leur électricité près de 10 fois le prix actuel du marché.
Qui paiera la facture de cette aberration économique ?
Le consommateur bien sur… pic.twitter.com/wkQR3by0pw
Le nucléaire était un atout français comme les télécoms il a été sabordé par les derniers présidents et continue de l’être malgré les annonces. Ainsi tout récemment une députée PS a fait voter un amendement supprimant la construction des 6 nouveaux EPR2 en 2026, amendement qui a été adopté. A noter que LFI et les écologistes restent toujours farouchement opposés à une relance du nucléaire et donc à une énergie pas chère. Triste France dont les décisions stratégiques sont dictées par des partis minoritaires en terme de votes!
Les panneaux solaires et les éoliennes n'ont rien de durable
Nous terminerons cet article par une citation d'Yves Roucaute extraite d'une interview à Atlantico que nous conseillons également de lire: « Contrer l’idéologie de ceux qui voudraient déconstruire tout ce qui a fait notre grandeur comme notre prospérité est la condition essentielle de notre survie en effet, celle de la révolution des Temps contemporains que j’appelle de mes vœux avec mon dernier livre « Aujourd’hui le bonheur », une révolution qui est en marche dans les pays qui veulent continuer à participer à l’Histoire, des Etats-Unis à la Chine ».
Rappelons également que les éoliennes (dont on enterre les pales) ou les panneaux solaires (chargés de métaux lourds) n'ont rien de durable avec une durée de vie de moins de 20 ans contre 30 à 60 ans pour les centrales nucléaires. Aujourd'hui la majeure partie des centrales nucléaires construites dans le monde approche des 40 ans.
A lire également l'excellente interview d'Alexandre Jardin dans Valeur Actuelle et qui parle des problèmes énormes que pose la nouvelle loi de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3).
Informations pratiques : Mensonge d'Etat, imposture écologique, Fayard, 272 pages, 21,90 euros.